Qui ne se souvient pas de la jubilation frisant l’extase, des autorités étatiques quand le Sénégal avait obtenu des bonnes notes dans le classement doing business 2014 ?
Les «aboyeurs» du régime étaient montés au créneau pour mettre en exergue cette performance. Les rédactions étaient envahies par des communiqués. Mieux, pour une meilleure communication, certains d’eux, avaient même rédigé des communiqués pour mieux expliciter la percée de notre pays dans ce rapport.
Il fallait coûte que coûte montrer que le Sénégal avait fait un bond de 17 places. Que notre pays est passé de la 178ème à la 161ème place sur un total de 189 pays. Il fallait aussi et surtout relever que si une telle performance a été possible, c’est que le Sénégal avait mis en œuvre des réformes dans six des dix domaines suivis par «Doing Business».
Le résultat de cette réforme, c’est que notre pays est placé parmi les 10 premiers au monde ayant le plus amélioré sa réglementation en matière des affaires.
Le président de la République était aux anges. Il avait déclaré à la presse, le sourire aux lèvres (ce qui est rare pour être souligné) : «j’ai dit au Premier ministre que c’est bien, mais 10 ou 20 points d’ici l’année prochaine». Hélas !
Nos gouvernants se bombaient le torse à l’époque, du fait que notre le pays ait été placé parmi les plus grands réformateurs.
Un an après, un rapport du FMI vient indiquer que le Sénégal fait partie des 25 pays les plus pauvres au monde. Et c’est la ruée dans les brancards. Un tollé généralisé. Le gouvernement se fend d’abord d’un communiqué pour accuser la fluctuation du dollar. Diantre ! Et comme si cette mauvaise publicité ne suffisait pas, c’est l’argentier de l’Etat qui bande ses muscles. Des démentis fusent tous azimuts. D’aucuns investissent les télévisions pour réciter des cours d’économie qu’ils avaient appris à la Fac. D’autres émettent des doutes sur la fiabilité du rapport. En fin de compte, les tenants du pouvoir ont fini par transformer ce rapport qui devrait juste être rangé aux oubliettes, comme les précédents, en actualité, apportant par la même occasion de l’eau au moulin de leurs détracteurs.
Mais, qui peut contester que le Sénégal est un PPMA (Pays pauvre moins avancé) ? Qui peut remettre en cause le fait que le Sénégal soit un PPTE (Pays pauvre très endetté) ? Le ranking (classement) importe peu. Que nous soyons 25ème, 27ème ou 29ème ne devrait pas faire l’objet d’un débat aussi acerbe.
La pauvreté est malheureusement une réalité dans notre pays. Elle est palpable. Elle est visible à l’œil nu. De Dakar à Bakel, en passant par Saint-Louis et Ziguinchor, les pères et des mères de famille peinent à assurer les dépenses et les repas quotidiens.
Sur 1.499.943 ménages, environ 700.000 sont pauvres tandis que ce chiffre tournerait autour de 900.000 en milieu rural, selon les résultats de la phase 2 de l’Enquête de Suivi de la Pauvreté au Sénégal (ESPS-II) de 2011 réalisée par l’Agence nationale de la statistique et la démographie (Ansd). Qu’on ne vienne pas nous dire que les choses ont changé.
Ce que les populations attendent des gouvernants, c’est comment inverser la tendance, pour voir enfin le bout du tunnel. Malheureusement, ce n’est pas demain la veille. Et pour cause, le Sénégal est l’un des rares pays au monde où les plus millionnaires ou milliardaires ne sont pas les hommes d’affaires, les chefs d’entreprise, des banquiers, mais plutôt des hommes politiques et des chefs religieux. Ils tiennent en otage notre économie et se partagent les gains. Les premiers passent par l’appareil d’Etat parce que la politique est devenue depuis longtemps, le seul moyen d’ascension sociale.
Des jadis plus pauvres que Job, deviennent soudainement plus riches que Crésus. CREI ou OFNAC, ils s’en moquent.
Quant aux seconds, ils usent des cérémonies religieuses. Passeports diplomatiques, exonérations, mallettes remplies de liasses. Tout y passe.
Pendant ce temps, les «Goorgorlu» crèvent la dalle. Ils cherchent la queue du diable pour la tirer. Dans nos villages et autres hameaux, il manque de tout : eau potable, électricité, routes, pistes de production, écoles, collèges, lycées…
Quant à notre capitale, Dakar, elle est atteinte de macrocéphalie à cause de l’exode rurale.
L’horizon se bouche pour les jeunes qui n’hésitent pas à embarquer dans les pirogues de fortune, bravant les mers et les océans au péril de leur vie, à la recherche d’un ciel plus clément.
Pendant ce temps, les autres «riches» dribblent le fisc et les impôts. Ceux qui sont dans le secteur informel ne peuvent même pas présenter un bulletin de salaire à un seul de leurs employés. Que dire des autres fonctions libérales ? Pratiquement, c’est la dérégulation généralisée à cause d’un système corruptible et corruptogène.
Abdoulaye Thiam
sudonline.sn
Belle analyse, vraiment objectif.
Si les tenants du pouvoir veulent éradiquer la pauvreté, ils doivent accepter qu’elle existe et persiste.
Vraiment voila le genre de contribution que j’aime lire dans les médias , et j’ajouterai que non seulement les hommes politiques et les religieux ne contribuent pas aux débats sur comment développer notre pays mais nous les porteurs de projets nous sommes snobés et ostracisés .Nous avons beau travaillé pour sortir notre pays du sous développement mais les hommes politiques nous prennent en otage et ne nous écoutent même pas quand nous leurs proposons des solutions .
Je trouve cet article est bien écrit et résume bien la situation du pays telle qu’ elle existe